La prévention du suicide au-devant de la scène
Par le Dr James Bolton
Publié le mardi 8 septembre 2020
Le suicide n'est pas une nouvelle conséquence de la maladie mentale, mais c'en est une importante, en particulier ici au Manitoba. En effet, selon un rapport de 2018 du Manitoba Centre for Health Policy, notre taux de 13,5 suicides pour 100 000 habitants est le plus élevé du pays, comparativement à la moyenne canadienne de 11,5 pour 100 000.
Ce même rapport fait état d'autres données bouleversantes, comme une récente augmentation des décès par suicide chez les jeunes femmes de 18 à 24 ans. C'est là une statistique importante quand on pense que Statistique Canada indiquait récemment, en 2009, que les jeunes hommes étaient trois fois plus susceptibles que les jeunes femmes de commettre un suicide.
Aussi difficiles à lire que soient ces statistiques, elles mettent en évidence l'ampleur des conséquences du suicide dans notre collectivité. Elles nous rappellent aussi pourquoi il est impératif de se souvenir que, même s'il n'est pas facile d'en parler, il faut aborder le sujet du suicide.
La Journée mondiale de prévention du suicide, le 10 septembre, propose une toile de fond appropriée à une telle conversation.
La première personne à qui nous devrions en parler, c'est à nous-mêmes. Le discours négatif sur soi-même, cette petite voix à l'intérieur de chacun de nous qui remet en question nos connaissances, nos capacités et notre propre valeur, peut s'avérer un adversaire redoutable. Pour certains, le discours négatif peut devenir si persistant et déprimant qu'il devient difficile de le repousser, et encore plus difficile de trouver le courage d'appeler à l'aide. Mais le simple fait de nommer ces sentiments à haute voix est la première et la plus puissante étape pour faire face aux idées suicidaires et d'automutilation.
Bien qu'il n'existe aucun remède magique pour toutes les maladies mentales, y compris celles qui peuvent conduire à des pensées suicidaires, il faut savoir que les pensées négatives ont du pouvoir. Toutefois, c'est en entrant en relation avec d'autres personnes que nous pouvons combattre plus efficacement les pensées négatives, qui prennent racine dans l'isolement.
Ce contact avec les autres est également essentiel pour nous tous qui nous inquiétons d'un être cher, lequel est peut-être en dépression et songe peut-être même au suicide. L'isolement favorise les pensées négatives, lesquelles peuvent évoluer jusqu'à nous faire envisager ou planifier le suicide. Le fait de prendre contact avec un proche en dépression permet d'interrompre cette tendance et de faire toute la différence. Voici quelques stratégies possibles parmi les plus simples :
- De petits actes de gentillesse : un petit geste de bonté envers l'être cher, comme de lui apporter un dessert fait maison, ou de visionner avec lui un film que vous appréciez tous deux et qui lui rappellera la relation que vous entretenez avec lui.
- La validation des ressentis : « Je sais que tout va de travers pour toi depuis que tu as perdu ton emploi. Comment vas-tu? »
- L'écoute active : dites à la personne que vous vous souciez d'elle.
- Le plus important est sans doute de reconnaître quand vient le moment où vous-même ou votre être cher avez besoin d'une aide de l'extérieur.
Bien que votre rôle ne soit pas de proposer un traitement de santé mentale à votre proche, votre soutien en tant que membre de la famille ou ami peut s'avérer précieux.
Si votre être cher mentionne avoir des idées suicidaires ou d'automutilation, ou si vos conversations ne parviennent plus à lui apporter le soutien nécessaire, il est normal et important de l'encourager à demander l'aide d'un professionnel. C'est le rôle des professionnels de la santé mentale d'aider les personnes en crise et de suivre leur traitement, et je vous encourage fortement à leur faire confiance pour aider votre cher au moment qui compte le plus.
J'ai dressé ci-dessous une liste de ressources régionales et nationales mises à la disposition non seulement des personnes qui ont des pensées suicidaires, mais aussi de leurs proches.
En tant qu'aidant, vous pourriez facilement perdre de vue votre propre santé et votre mieux-être en tentant de soutenir un être cher. N'oubliez pas que, de la même façon que toutes les compagnies aériennes invitent leurs passagers à mettre en premier leur propre masque à oxygène, vous ne pourrez pas aider les vôtres si vous n'êtes pas vous-même en état de le faire.
Chacun d'entre nous a déjà ressenti et continuera de ressentir des émotions difficiles tout au long de sa vie. Le chagrin, les pertes, la colère et le découragement font partie de l'expérience humaine et sont des réactions correctes aux situations difficiles. Les pensées suicidaires ne sont pas rares : 12 % des Canadiennes et Canadiens en auront. Il importe de ne pas les ignorer, et de communiquer si ça vous arrive. Lorsque ces émotions prennent le dessus, il importe d'en parler avec un ami, un frère ou une sœur, un conseiller spirituel, un psychologue ou un intervenant en cas de crise. Il existe de nombreux services d'aide. Et il existe de nombreuses raisons de vivre. Ensemble, ces raisons sont source de beaucoup d'espoir en prévision de l'avenir. Vous n'êtes pas seuls.
Ressources régionales et nationales de prévention du suicide :
- https://afsp.org/what-to-do-when-someone-is-at-risk
- https://suicideprevention.ca/resources/Documents/WSPD2020-toolkit.pdf
- http://reasontolive.ca/
Le Dr James Bolton est directeur médical des services d'intervention en cas de crise de Soins communs et du service de psychiatrie d'urgence du Centre des sciences de la santé.