Soulager la douleur nécessite de nombreuses approches
Par Dr Ryan Amadeo
Office régional de la santé de Winnipeg
Publié le lundi 2 novembre 2020
À un moment ou un autre de nos vies, chacun d'entre nous éprouvera de la douleur. Habituellement, ce n'est qu'un inconvénient temporaire qui découle de sources de toutes sortes comme un mal de tête ou une tension musculaire. Cela dit, il y a beaucoup de gens, en fait la moitié des Canadiens, pour qui la douleur n'est pas un simple inconvénient, mais plutôt une préoccupation chronique et invalidante.
La douleur chronique peut survenir en tout temps, parfois en raison d'une maladie sous-jacente comme la sclérose en plaques ou le cancer, et dans d'autres cas, à la suite d'une intervention chirurgicale ou d'autres traitements d'une maladie. Chez certaines personnes, une douleur peut apparaître sans qu'elle semble associée à une blessure ou à une maladie quelconque.
À titre d'exemple, examinons la douleur chronique au dos et au cou : environ la moitié des patients vus à la Clinique de gestion de la douleur de l'Office régional de la santé de Winnipeg souffrent de ce type de douleur. La vaste majorité de ces patients ne sont pas atteints d'une blessure ou d'une maladie particulière responsable de l'apparition de leur douleur. Or, même si l'on ne peut pas cerner le facteur, les patients n'en ressentent pas moins les symptômes ainsi que les répercussions négatives que la douleur et l'inconfort ont sur leurs vies et activités quotidiennes.
Heureusement, comme ma collègue Dre Renée El-Gabalawy, psychologue en santé clinique et directrice du Réseau de la recherche clinique pour le Réseau de la douleur chronique à l'Université du Manitoba, se plait à dire « La vie peut être meilleure et nous possédons des traitements efficaces. »
Certains d'entre vous se demanderont après avoir lu cette dernière ligne comment la psychologie peut aider à gérer la douleur chronique.
Amplement. Nous savons que la santé mentale et la santé physique sont étroitement liées et s'entretiennent mutuellement. Par exemple, une maladie chronique peut exacerber des troubles de santé mentale existants ou entraîner une dépression ou de l'anxiété. De plus, la plupart des maladies chroniques ne peuvent pas être « guéries » ou résolues. L'accent est donc mis sur la gestion de la douleur et l'amélioration du fonctionnement quotidien et de la qualité de vie, ce qui nécessite une approche multimodale et multidisciplinaire.
La Clinique de gestion de la douleur est un service offert sur aiguillage qui reçoit généralement une répartition également de patients orientés par des médecins de soins primaires (médecins de famille) et par des spécialistes (p. ex., chirurgiens, cardiologues et oncologues) et traite des patients qui n'ont pas été capables de gérer leur douleur chronique par d'autres méthodes. Les psychologues en santé clinique, comme Dre El-Gabalawy et ses collègues travaillent spécifiquement avec leurs clients pour appuyer les traitements et thérapies physiques en utilisant la psychologie pour fournir des techniques et des mécanismes d'adaptation aux patients vivant avec la douleur chronique.
L'équipe de psychologues utilise les thérapies cognitives comportementales, incluant une approche thérapeutique plus récente appelée Thérapie d'acceptation et d'engagement (TAE) qui consiste non pas à transcender ou à « vaincre » la douleur chronique, mais plutôt à apprendre à mener une vie satisfaisante malgré la douleur. Ceci est réalisé au moyen de diverses stratégies, notamment en réduisant la préoccupation des patients envers leurs émotions (p. ex., peurs, colère ou désespoir) grâce à l'acceptation et l'accent sur les actions valorisées. Par exemple, lorsque les patients examinent leur peur et leur évitement subséquent des activités physiques par crainte qu'elles puissent exacerber la douleur au dos, ils peuvent adopter une mentalité selon laquelle ils peuvent travailler à réduire leurs risques tout en continuant à pratiquer des activités physiques qui procurent des bienfaits démontrés quant à la santé physique et à la santé psychologique. Cela leur permet de vivre leur précieuse vie malgré la présence de douleur et peut ultimement atténuer leur souffrance.
Les données démontrent systématiquement le fait que l'adoption d'une approche interdisciplinaire à la gestion de la douleur fournit les meilleurs résultats chez les patients. Cette approche inclut des disciplines comme la psychologie clinique, comme décrite précédemment, ainsi que la physiothérapie, l'ergothérapie, les spécialités dans des pratiques particulières comme la chiropractie et d'autres spécialités au besoin afin de procurer un plan de soins holistiques et complets.
Un patient qui recherche du soutien pour sa douleur au dos, par exemple, travaillera probablement avec un physiothérapeute pour élaborer un plan d'activités qui sont sécuritaires, appropriées et qui renforcent le dos dans les régions douloureuses. Si la douleur a altéré les capacités fonctionnelles ou le niveau de mobilité, les patients peuvent consulter un ergothérapeute afin d'adapter leurs activités quotidiennes pour réduire la douleur. Ils peuvent également consulter un chiropraticien ou un massothérapeute pour soulager la douleur aiguë si la douleur est exacerbée par une activité particulière comme faire un long parcours en voiture ou pelleter. Ils peuvent aussi se tourner vers un psychologue clinique pour les aider à confronter leurs peurs liées à leur mobilité. Par ailleurs, ils peuvent venir me consulter ou voir un collègue pour qu'on leur prescrive un traitement médicamenteux ou leur administre des injections de corticostéroïdes, le cas échéant.
Bien que le grand public ait des préoccupations, à juste titre, quant à l'utilisation des analgésiques (en particulier, les opioïdes, que les gens associent parfois à la toxicomanie et à des issues négatives), il est important de savoir que les organismes de réglementation en Amérique du Nord et au Manitoba, en particulier, ont travaillé fort pour créer des protocoles, des lignes directrices et des attentes qui appuient les médecins et les patients qui ont besoin de ces médicaments dans le cadre de leur plan de traitement global.
Il est impératif que quiconque utilise ou prescrit ces médicaments soit pleinement conscient des risques qui y sont associés et surveille attentivement leur utilisation et leurs effets. Soyez assurés qu'à la Clinique de gestion de la douleur, une partie importante de notre travail consiste à soupeser ces risques.
Le fait demeure, toutefois, que la médication demeure une thérapie nécessaire et efficace pour la gestion de la douleur chez certains clients, une thérapie qui ne peut pas être remplacée par d'autres méthodes. Nous respectons la puissance de ces médicaments et nous les prescrivons à la plus faible dose possible.
Nous nous engageons à utiliser tous les outils dans notre arsenal, y compris les médicaments et les approches psychologiques, afin de réduire les risques tout en fournissant le soulagement nécessaire dont ont besoin les patients qui souffrent de douleur chronique intense.
Pour obtenir de plus amples informations sur la douleur chronique et ses traitements, visitez le site wrha.mb.ca/psychology/services/chronic-pain/(en anglais).
Dr Ryan Amadeo est le directeur médical de la Clinique de gestion de la douleur de Winnipeg. Cette colonne a été publiée lundi 2 novembre 2020 dans le Winnipeg Free Press.