Il est temps de laisser partir en fumée les opinions tranchées sur le cannabis
Par Daniel Dacombe
Publié le lundi 18 janvier 2021
Le 20 janvier, à l'occasion du Mercredi sans herbe de la Semaine nationale sans tabac, ce sera le moment idéal, tant pour les véhéments opposants au cannabis que pour ses indéfectibles défenseurs, de mettre de côté leurs opinions tranchées et de s'engager dans un débat fondé sur des faits.
Même s'il a coulé beaucoup d'eau sous les ponts depuis la sortie, en 1936, du film anti-marijuana Reefer Madness et ses messages alarmistes contre « une nouvelle menace mortelle qui se cache derrière des portes closes », les opposants continuent d'avancer des arguments d'une autre époque au lieu de s'appuyer sur des faits probants. À l'autre extrémité du spectre, certains militants procannabis ont du mal à reconnaître les risques connus associés à la consommation de cannabis et prétendent que cette drogue est une panacée naturelle et non addictive pour tous les maux, de la dépression au cancer.
Mon conseil a toujours été de rejeter les arguments moralisateurs des deux côtés du débat en faveur de preuves scientifiques reconnues.
Dans le passé, les mises en garde contre le cannabis étaient à la fois exagérées et punitives. Par exemple, aucune preuve scientifique ne confirme l’hypothèse de la « drogue d’escalade », selon laquelle la consommation de cannabis conduit toujours ou souvent à la consommation de drogues « dures ». La réalité, c'est que la plupart des consommateurs de cannabis ne passeront pas à des drogues dures comme l’héroïne, la cocaïne ou la méthamphétamine.
Il est utile de rappeler que, même si le cannabis est légal au Canada depuis fin de 2018, le mot « légal » n'est pas synonyme de « sûr ». Selon le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CTSM), la consommation de cannabis peut avoir des effets nocifs à court et à long terme sur la santé, en particulier chez les adolescents dont le cerveau est encore en développement (ce processus se termine généralement entre 21 et 25 ans). Le cannabis peut avoir une incidence sur le raisonnement et la coordination physique et accroître le risque d'accidents, de blessures ainsi que de problèmes de reproduction et de santé mentale.
Une consommation accrue pose un risque plus élevé de schizophrénie, de troubles anxieux, de dépression et du syndrome amotivationel, qui est un trouble psychiatrique caractérisé par des états émotionnels comme le détachement, l'émoussement des émotions et des pulsions, un déficit de mémoire et d’attention, le désintérêt, la passivité, l’apathie et un manque général de motivation.
Contrairement à l'opinion répandue parmi les consommateurs, la consommation de cannabis peut créer une accoutumance. Une étude exhaustive échelonnée sur une vingtaine d'années et publiée en 2014 démontre qu'environ 9 % des personnes qui font l'expérience de la marijuana deviendront dépendantes; ce chiffre grimpe à 17 % chez les personnes qui commencent à consommer de la marijuana durant leur adolescence et à 50 % chez celles qui fument de la marijuana quotidiennement.
Aujourd'hui, les discussions que nous avons au sujet du cannabis devraient s'inspirer de celles que nous avons au sujet de l'alcool, surtout en ce qui concerne la réduction des méfaits. Les parents doivent donner l'exemple, en s'appuyant sur des faits, tout en évitant les hyperboles, lorsqu'ils discutent de ces sujets avec leurs enfants. Quand j'étais au secondaire, on nous envoyait le message suivant : « Ne fais pas ça, sinon tu vas mourir. » De toute évidence, ce genre de message ne passerait plus aujourd'hui. Les parents sont encouragés à s'appuyer sur des faits probants et à éviter les discours et les arguments catastrophiques et non scientifiques.
Le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CTCM) formule ces dix recommandations factuelles pour réduire les risques pour la santé associés à la consommation de cannabis :
- Rappelez‑vous que la consommation de cannabis sous toutes ses formes pose un risque pour votre santé. Bien que l'abstention soit la seule façon d'éviter ces risques, une consommation peu fréquente de cannabis de faible puissance contribuera à réduire les risques.
- Plus vous commencez à consommer du cannabis à un jeune âge, plus votre risque d'avoir de graves problèmes de santé est élevé. Les adolescents, surtout de moins de 16 ans, doivent retarder la consommation de cannabis le plus longtemps possible.
- Les produits de cannabis de puissance élevée sont plus nocifs pour votre santé. Si vous consommez du cannabis, optez pour des des produits de faible puissance, par exemple des produits à faible teneur en THC ou ayant un ratio CBD‑THC plus élevé.
- Évitez les produits de cannabis synthétique. Comparés aux produits de cannabis naturel, les produits de cannabis synthétique sont plus forts et plus nocifs.
- Fumer du cannabis (un joint, par exemple) est un mode de consommation plus nocif parce que le cannabis attaque directement les poumons. Le vapotage ou la consommation de produits de cannabis comestibles sont moins nocifs pour les poumons. (N'oubliez pas que ces solutions ne sont pas exemptes de risque).
- Si vous décidez de fumer du cannabis, évitez d'inhaler profondément ou de retenir votre respiration. Ces pratiques augmentent la quantité de toxines absorbées par vos poumons et votre corps et peuvent causer des problèmes pulmonaires.
- Essayez de limiter au maximum votre consommation. Plus votre consommation de cannabis est fréquente, plus vous risquez de développer des problèmes de santé, surtout si vous en consommez tous les jours ou presque.
- Le cannabis affaiblit votre capacité à conduire ou à utiliser de la machinerie. Évitez de conduire après avoir consommé du cannabis.
- Les femmes enceintes et les personnes ayant des antécédents personnels ou familiaux de psychose ou de problèmes liés à la consommation de substances doivent s'abstenir de consommer du cannabis.
- Évitez toute combinaison des comportements à risque décrits ci‑dessus ou abstenez‑vous de consommer d'autres substances addictives en même temps que du cannabis. Plus vous prenez de risques, plus votre risque d'avoir des problèmes de santé est élevé.
Pour en savoir plus sur le cannabis et la façon d'en parler à vos enfants ou à des proches, consultez les sites Web du Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances (ccsa.ca), du Centre de toxicomanie et de santé mentale (camh.ca) et de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances (afm.mb.ca).
Si vous éprouvez le besoin de réduire votre consommation de cannabis, veuillez communiquer avec votre médecin ou tout autre professionnel de la santé, ou encore appeler la ligne d'assistance aux toxicomanes du Manitoba au 1 855-662-6605.
Daniel Dacombe est superviseur intérimaire de l'équipe d'éducation et de prévention de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances et possède près de dix années d'expérience clinique en matière de lutte contre les dépendances.